On commence par Mémoires de la marquise de La Rochejaquelein 1772-1857, et direct on plonge
dans les bouquins d'histoire, les révoltes réactionnaires face à la Révolution française ont cependant engendrées de véritables guerres civiles dans l'ouest de l'hexagone. On suit donc ici Madame la marquise, excusez nous du peu, qui prise d'une indigestion de Ferrero dans les fêtes de l'ambassadeur versaillais est partie s'enmouracher d'un noble vendéen qui deviendra un des principaux chefs de la 1ère véritable révolte du bocage. Pour Dieu & le Roi, le slogan est strict. Avec une foule paysanne qui se bat avec des fourches et sa foi, on suit les périgrinations romantico-guerrières d'une femme qui aura le chic de se trouver dans tous les mauvais plans de son époque. Née avec une cuillère en argent dans la ganache, elle arrive cependant à devoir se cacher dans tous les pires bleds vendéens (pléonasme) et à se saper comme la dernière des gueuses afin d'éviter de finir sous la facétieuse invention du Docteur Guillotin.
Ce témoignage haut en couleurs nous plonge donc dans l'immédiat après révolution. Pour l'aristocratie c'est la débandade, on s'exile à tour de bras pire qu'à la victoire de François Hollande. Fin de partie pour pas mal de fantasques privilégiés qui finissent nombreux la tête dans un panier en osier. La populace qui plie l'échine depuis des lustres a enfin le droit de laisser éclater sa colère et autant vous dire que c'est un peu plus tendu que des mains qui virevoltent en l'air à Nuit Debout. le sang impur abreuve les sillons comme le claironne le hit du moment. Bref l'heure de la revanche a sonné et les gaziers qui portent des chemises à jabots sont dans un spleen bien plus profond que Robert Smith. La marquise devant fuir Paris se retrouve donc en Vendée où les nobles locaux deviennent les chefs d'émeutes ponctuelles fomentées par une population profondément ulcérée par la nouvelle politique anti religieuse des révolutionnaires. On kiffe le Christ et on tiens à le faire savoir même si ça doit coûter la vie à quelques patriotes révolutionnaires qui se sont crus un peu trop easy à installer la démocratie laïque dans des hameaux qui sentent la brioche. Bref en Vendée c'est la guerre civile, les campagnes devenant le terreau des contre révolutionnaires qui réclament le retour du roi à la tête du pays et la fin de la politique anti religieuse. Les villes majoritairement patriotes se contenteront de se faire assiéger par l'un et l'autre des camps à tour de rôle.
Cette situation de guérilla durera quelques années jusqu'à ce que Paris décide de siffler la fin de la récréation en envoyant des forces armées impressionnantes accompagnées des terribles colonnes infernales, ces bataillons républicains fanatiques organiseront le génocide vendéen même s'il ne portera jamais ce nom, villes & villages rasés, hommes, femmes & enfants finissant sous les lames de ces cohortes sanguinaires dont la principale décision fut de rendre déserte cette partie de la nation. Et ouais malgré Philippe de Villiers tout ne se termine pas par un feu d'artifice géant entourés par une nuée de touristes allemands avinés. Les vendéens doivent fuir en masse en Bretagne et en Normandie d'où ils essaieront de faire partir de nouvelles chouanneries mais il faut bien se rendre compte un jour que l'Histoire n'a que faire des vaincus donc quand la proposition d'amnistie est offerte aux combattants de la grande armée royale catholique, ils sont nombreux à reposer les armes et à redevenir paysans. Fin de chantier pour les réactionnaires qui devront rentrer dans le rang ou finir sur l'échafaud. Il faudra un long moment à la Loire afin d'absorber le nombre incalculable de noyades organisées par Carrier au nom d'un idéal républicain trop fragile. La marquise quand à elle échappera aux morts pathétiques qui ont touchés pas mal des srabs de son crew. Ses mémoires ont au moins le mérite d'apporter un éclairage sur cette période relativement peu étudiée.
Bim! on enchaîne avec "A l'école de l'Action Française", bouquin écrit par François Huguenin,
directeur de la librairie catholique parisienne "La procure", c'est pas vraiment le genre de mec à avoir un emplacement VIP à la fête de l'huma. On comprend donc direct qu'il aura parfois du mal à critiquer le plus vieux mouvement politique français malgré les errances (et c'est rien de le dire) de Maurras et de ses disciples particulièrement pendant la collaboration avec les nazis ce qui pour des germanophobes laisse un peu à désirer. Le livre est super intéressant dans le sens où il suit la genèse de ce courant de pensée fondée sur la volonté de définir la place de l'homme au sein de la collectivité dans un environnement apaisé. Le fédéralisme et le roi devenant la clé de voûte d'un état dont la devise pourrait être: "Autorité en haut, libertés en bas!".
Maurras, l'homme aux 100 visages, écrivain, poète, critique littéraire, politicien, fédéraliste... trouvera dans le royalisme l'occasion de devenir le mentor de toute une génération. Le maître à penser. Alors qu'il n'y avait plus que quelques clampins à partager la galette des rois, il réussit le tour de forcer de donner un nouveau sens au combat royaliste, plongeant autant dans l'histoire que dans les livres, se battant à coups d'articles ou de cannes il emmènera tous ses camelots vers une aventure politique des plus hasardeuses mais qui s'imbriquera totalement avec la fougue de nombreux jeunes gens talentueux. Ce livre nous relate les choix politiques menés par le mouvement au travers de ces journaux, séminaires, universités, véritables écoles de pensée à l'influence énorme au début du XXème siècle. La vie intellectuelle hexagonale d'avant la première guerre mondiale sera sous la coupe de l'Action française. Anti-Dreyfusarde à l'extrême, antisémite comme d'ailleurs bon nombre des politiciens ou intellectuels de tous bords à cette époque, elle colle parfaitement aux vicissitudes de l'anti parlementarisme et se donne une aura mythique par le biais de ces militants exaltés tels Daudet ou Bernanos.
La boucherie de 14-18 décimera les rangs des camelots et bon nombre de ceux qui devaient faire évoluer le mouvement périrent dans les tranchées champenoises. Pourtant dans les années 30 pour tout jeune français qui désire s'engager politiquement il n'y a de véritable choix qu'entre Karl Marx et Charles Maurras. La deuxième guerre mondiale et l'invasion allemande diviseront le camp royaliste. Certains rentreront dans la résistance quand Maurras acceptera d'être du côté du Maréchal Pétain. De toute sa carrière, Maurras redoutait que le France entre en guerre civile et pourtant dans des articles incessants il appelle les autorités à fusiller les résistants, lui qui prônait la non-intervention dans le conflit et qui voulait rester utile à ce qu'il restait de l'état pourtant si fourvoyé sombrera dans cette collaboration active et détestable. L'antisémitisme de l'AF qui se définissait comme un antisémitisme non biologique et non racial mais comme un problème d'assimilation à la nation française rejoindra pourtant celui des nazis et de leur génocide industriel. L'organisation n'arrivera jamais à se remettre de cette phase honteuse de son histoire.
Après la guerre, l'Action Française comme tous les partis ayant collaborés fais profil bas. Mais rapidement l'envergure et le caractère du général De Gaulle renforce les haines des camelots qui ne satisfont toujours pas de ce régime politique, en littérature surtout de nouveaux écrivains et/ou intellectuels qui ne se revendiquent pas forcément de l'AF se sentent pourtant proche des idées maurrassiennes, le sillon de pensée continue à laisser pousser les semences d'une nouvelle droite qui ne cesse de se transformer.
Ce livre nous montre toutes les tentatives menés par l'AF pour investir tous les sujets. De la foi catholique aux syndicats, de la critique littéraire à quelle économie envisagée, les différentes étapes de l'histoire du mouvement suivent les confrontations et les errances des acteurs royalistes. Il nous met aussi devant les yeux que ce parti malgré sa formidable école de pensée n'arrive que rarement et de manière faiblarde à avoir prise sur les évènements, le choc de la réalité sera souvent rude pour les camelots.
Aujourd'hui l'Action Française ne fait parler d'elle que par quelques coups d'éclats dû à sa jeunesse. Combien des nouveaux camelots s'intéressent vraiment à l'aventure intellectuelle qu'elle a été? Il est aisé de préférer l'adrénaline de quelques fumigènes et autres bagarres à coups de casques en oubliant le nécessaire refuge d'une bibliothèque bien remplie. Comme tous les autres mouvements d'extrême droite, elle ne fait plus que singer ses collègues des autres officines nationalistes, copiant péniblement le marasme qui les maintient tous dans la seule quête d'un pathétique quart d'heure warholien. L'Action Française comme le roi ne sont plus que des lubies dans le monde moderne, ce mouvement audacieux malgré tous ces défauts aura tenter d'allier la culture et la philosophie, la foi et l'action, son passage au travers le siècle aura été un passage remarqué dans la vie politique française. Il n'est plus que la caricature de lui même, symptôme d'une époque.
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