Héros pathétique d'une société du spectacle qu'il abhorrait, il était comme tant d'autres cette contradiction ambulante que le monde contemporain se plaît tant à contempler. Mentor pour des moutons timides, il gueulait tout haut ce que personne ne pensait tout bas. Ce personnage mi aveugle mi aristo aurait pu rester jouer son sketch dans les cercles dorés d'un parisianisme détestable mais ce bougre ayant le talent des mots a réussi à façonner son image fantasmée par le biais de publications, de livres puis de la fée télévision, instrument totalitaire par excellence qui pratique l'abêtissement des masses sous les acclamations.
En 1968 les évènements parisiens qu'ont détestent tant aujourd'hui font de lui un gauchiste, il vend La cause du Peuple au volant de sa Ferrari. Fils d'un général qui possède un manoir on peut dire qu'il est né avec une cuillère en croco dans la bouche. Jusqu'au début des années 70 ses écrits servent les binoclards à cols Mao hexagonaux. Il crée ensuite le journal L'idiot international, qui regroupera très vite l'élite des polémistes de tous bords. C'est là que ça commence à coincer car il ne pose plus de limites à ses contributeurs et très vite le journal devient un maelstrom qui sera qualifié de rouge-brun car Alain de Benoist théoricien de la Nouvelle Droite aura la largesse des publications tout autant que des membres du PCF, des chroniqueurs mondains intoxiqués au luxe décadent, des voix prolétariennes bien peu sortis de la mine de sel, des écrivains plus ou moins talentueux en littérature mais qui ont plus de motivation dans le marketing de leur propre image médiatique, des artistes engagés ou licenciés, des rageux sans cause... Bref un mélange détonant qui alimentera les procès pour diffamation, provocation à la haine raciale ou injures antisémites ce qui aura pour finalité de couler financièrement le journal.
Que Soral, Beigbeder, Nabe fasse partie des contributeurs paraît encore moins étonnant quand on voit que Taddeï y participait aussi et qu'il applique le même esprit dans Ce soir (ou jamais!), émission télé de débat qui accueille bien souvent ce genre de personnages hétéroclites, polémistes plus ou moins inspirées et surtout eux aussi clowns médiatiques essayant le plus possible d'être diffusé sur ces médias si souvent conspués.
Jean edern Hallier n'a pas de limites, du moins son personnage l'a décidé ainsi. Il essayera de détruire ceux auxquels ils croyaient et qui n'ont pas su le récompenser à sa juste valeur. Mitterrand, son règne, son cancer & sa fille cachée seront ses chevaux de batailles, ce qui fera de lui le français qui sera le plus écouté par les services secrets (démocratie quand tu nous tiens!). Il dévoilera aussi le casier judiciaire de Tapie et d'autres scoops savoureux qui auraient fait le bonheur des lecteurs du Canard Enchaîné. Personnage complexe et contradictoire, terroriste de bac à sable, pamphlétaire talentueux, mythomane, escroc, un égocentrisme débordant camouflant mal son manque de reconnaissance, il a traversé son époque comme un fou furieux que rien ne calmera. De là à en faire une icône de la contre-culture c'est assez risible.
Et si on en arrivait au bouquin, non?
Bah ouais à la base c'était le but de tout ce speech, car Hallier en plus de créer un Guignol's band écrivait aussi des bouquins. "Le premier qui dort réveille l'autre" est donc un petit roman de 150 pages. Fable de l'enfance aux conséquences pourtant si sérieuses, on plonge dans la rêverie de deux frères qui par la magie de l'imaginaire tentent d'échapper à la réalité morbide d'un cancer incurable. Le conte des mille et une nuits mixant les évènements de la seconde guerre mondiale, l'éveil des sens avec la petite Véronique et l'univers familial brisé par cet Oiseau-rock qui détruit petit à petit le destin d'Aubert. Ce livre est une secousse féérique et morbide, entouré du monde des adultes qui s'écroule dans la canonnade, les enfants représentent l'espoir d'un autre univers, le leur! Là où la fiction se joue des frontières de la réalité, là où l'imagination déborde sur les mornes règles d'une existence formatée. Formidable leçon d'amour fraternel, ce livre a été une petite claque pour moi. Recommandé vivement pour que nous gardions toujours notre âme d'enfant.
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