Rypley Bogle: Robert Mc Liam Wilson (1989) 463p.
Bim! 4 jours dans la vie d'un clodo londonien c'est autre chose qu'un épisode de Baldipata. Ici on suit les pérégrinations et surtout les pensées de Rypley Bogle, jeune échalas de 21 ans qui traîne sa carcasse de BG décadent dans les rues plus ou moins smart de London city. Il faut dire qu'on est pas tombé sur le plus con des guides de voyage, on comprend aisément que le gars est surdoué, ses réflexions, son cynisme, tout ça vole un peu plus haut qu'une putain d'armée de pigeons diabétiques sur Trafalgar Square. Pourtant on peut pas dire que les bonnes fées s'étaient penchées sur son berceau, on est plus dans le scénar de Shameless avec une mère qui fait le tapin avec tous les clampins du bled, un père alcoolo high level et une brassée de frères et soeurs qui tentent comme ils peuvent de survivre dans un quartier ouvrier catholique de Belfast Ouest pendant la période pas vraiment rose du conflit Nord irlandais. Ca commence à faire pas mal d'embûches pour un seul homme me direz vous et pourtant c'est dans cet environnement que Rypley a du faire ses premières armes. Il se réfugiera dans les livres pour échapper un peu à tout ce cirque et c'est sûrement ça qui lui fera comprendre qu'il est peu être différent de tout le merdier qui l'entoure.
Mais voilà être surdoué c'est pas vraiment ça que tout le monde kiffe dans la sous working class de Belfast, on est plus fasciné par des neuneus qui se pochtronnent dans les pubs ou participent à la guerre sanglante entre les sous groupes de l'IRA, donc les promenades à la bibliothèque ça fait quand même bien tarlouze dans cet univers ultra machiste. Rypley Bogle est pourtant un pur produit du terroir local, il se bagarre, a un penchant non négligeable pour l'alcool et comble de la connerie finit même par sortir avec une protestante. Du coup on stoppe tout, le mec vient de franchir la ligne rouge, tous les pourris qui le côtoient, famille en tête lui font comprendre qu'on déconne pas avec ça. Merde les protestants quoi! Du coup Rypley se barre de chez lui et commence à zoner dans Belfast. Tu peux zapper ton lonely planet on est plus dans du Dickens. Il traînera quelque temps dans cette ville qui s'évertue à se détruire par tous les moyens. Du pur sabotage élaboré par tous les salauds locaux qu'ils soient voyous, poivrots, terroristes ou un mix improbable des trois.
Autant dire qu'on comprend presque pourquoi Rypley décide d'aller tenter la grande aventure à Londres, terre promise pour tous les clampins du grand empire britannique. Notre héros, car s'en est un, va vite comprendre que la capitale anglaise est aussi une terre dure et impitoyable pour ceux qui n'ont pas les moyens de ses excès. Entre poésie et cynisme décomplexé, ce jeune homme aux idées claires vu sa situation brinquebalante et sa santé chancelante va nous faire visiter son Londres, les différentes heures de la journée étant plus propices à certains quartiers qu'à d'autres, les personnages bons ou dégueulasses qui peuplent cette mégalopole bigarrée. Des terrains de cricket d'une jeunesse dorée aux rues sordides pour toxicos violents il dresse le portrait de cette faune qui joue son rôle dans cet univers en carton pâte. Dans ce monde où Georges Orwell aimait traîner il n'y a que des innocents aux mains pleines et des coupables bourrées d'excuses, rien n'est noir ou blanc, tout est gris sous cette brume qui détruit les poumons et assèche le cerveau.
On découvrira aussi que peut être Rypley Bogle a quelque peu menti durant l'aventure, mais qui ne veut pas se donner le beau rôle? On lui pardonnera sûrement tellement il nous a touché. Véritable aventure humaine qui dépeint le climat social de cette Angleterre de la fin des années 80 entre violence sociale et humanisme gratuit, ce bouquin est juste une claque monumentale, ultra recommandé.
Note sur l'auteur: Robert Mc Liam Wilson a écrit Rypley Bogle entre 22 et 25 ans, ce roman quasi autobiographique lui ouvrira la porte des prix littéraires. Ces autres romans "Eureka Street" et "Manfred's pain" parlent eux aussi du quotidien à Belfast, cette ville qui reste le héros primordial de ses bouquins, mélange d'amour et de haine pour ce petit coin abandonné de tous, détruit par des années de guerre civile et par les politiques sociales de la perfide Albion. Il a aussi participé avec un photographe au bouquin "Les dépossédés" qui témoigne du quotidien de familles dans les ghettos pauvres qui jalonnent le Royaume-Uni. Bref ce type est juste un génie de l'écriture, racontant la
street, la bassesse humaine et le foutoir dans lequel il a vraiment évolué de la manière la plus proche possible. Toute son oeuvre vaut le coup et me fait penser au dernier numéro de Manière de Voir le hors série bimestriel du journal Le Monde diplomatique sur le Royaume-Uni.
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